Cyrillo

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Vendredi Treize

CHAPITRE III

Où l'on se met en ménage

Les cannibales ne revinrent pas. Vendredi et moi coulions des jours heureux sur notre île. Nous nous entendions fort bien ; il adopta Kiri et Blanchette sans problèmes, tout comme il se fit aimer d'eux ; il était d'un naturel heureux et rieur, insouciant, prenant la vie au jour le jour, sans se poser de questions. A son contact, je me sentais rajeunir. J'en arrivais presque à oublier l'Angleterre, mon épouse et mes tracas quotidiens. Depuis que je l'avais rencontré, ma vision quelque peu xénophobe de l'étranger s'était profondément modifiée et je reconnaissais en mon for intérieur que "l'autre", le "différent", pouvait être d'un commerce agréable. Il m'apprit beaucoup plus de choses que je ne voulais bien l'admettre. Ainsi, lorsque mes derniers vêtements, usés jusqu'à la corde, tombèrent en loques et que j'entrepris de les rapiécer avec des morceaux de toile, il s'en saisit et les jeta au loin en me disant :
- Tout nu, Robine !

Interloqué, je m'apprêtais le réprimander quand je m'avisai qu'à part lui, qui vivait toujours nu, et Kiri et Blanchette qui devaient bien s'en moquer, personne d'autre n'était là pour me regarder. Et je me dis : - Pourquoi pas ?

Je me défis de mes dernières hardes et m'en trouvai comme libéré. Au début, j'eus un peu honte de la taille - que je jugeais modeste - de mon sexe, mais Vendredi n'y prêtait pas attention et ne fit aucune allusion à cet égard. Si bien qu'au bout de peu de temps, je me sentis très à l'aise de vivre nu. J'éprouvais des sensations bien agréables lorsque nous nous baignions dans la cuvette naturelle qui nous servait de piscine, que nous luttions en jouant sur le sable, où que nous nous dorions au soleil, après une course qu'il gagnait presque toujours. Le seul inconvénient que je trouvai à cette absence de costume, c'était qu'il manquait un peu de poches. Mais j'y remédiai en portant ma besace sur l'épaule en guise de fourre-tout.

*****

L'hiver était venu. Un hiver relatif dans ces régions presque équatoriales où il ne neigeait jamais mais où les nuits fraîchissaient quand même passablement. Nous avions bien installé un brasero dans notre chambre mais il ne parvenait pas à réchauffer suffisamment la pièce, parcourue de petits courants d'air qui filtraient par les interstices des murs de bambous mal joints.

Une nuit plus froide que les autres, je l'entendis grelotter sur sa paillasse. Moi-même, j'avais froid, sous les peaux de chèvres dont je m'étais fait une couverture. Je lui proposai donc de rapprocher nos lits afin de nous réchauffer mutuellement. Cela le fit rire - je me demandai pourquoi sur le moment - mais il accepta néanmoins la proposition. Bientôt, la chaleur de nos deux corps se mêla et nous nous sentîmes beaucoup mieux. Je m'endormis assez rapidement et me mis à rêver. Un rêve confus où se mêlaient des images de ma femme, d'Elisabeth, d'Edouard et de Vendredi. Gêné par une forte érection qui m'avait saisi inconsciemment, je me tournai sur le côté, me plaquant involontairement contre le dos de Vendredi qui sommeillait mais ne dormait pas encore et qui, probablement émoustillé par le contact de ma verge contre ses fesses, se mit à bander lui aussi. Profitant de mon sommeil, il avança la main vers la petite lampe à huile qui nous servait de veilleuse, trempa deux doigts dans l'huile de noix de coco et s'en badigeonna délicatement l'anus. Puis, saisissant doucement mon sexe entre ses doigts, il se l'introduisit entre les fesses. A ce chaud et doux contact, mon rêve prit un tour plus érotique et je commençai à m'agiter dans mon sommeil. Quant à lui, tout à fait réveillé, il goûtait fort le début de pénétration dont il était l'objet. Il recula le plus possible pour s'empaler sur mon sexe qui maintenant avait pris de belles dimensions. A moitié réveillé par le mouvement, j'avais machinalement passé le bras par-dessus lui et ma main effleura son pénis en érection. Dans ma demi-conscience, j'imaginai que c'était le mien et je commençai à le caresser, puis à le branler doucement, - et j'avais l'extraordinaire impression de me branler moi-même d'un sexe d'au moins trois pieds de long - tout en donnant des coups de reins qui m'enfonçaient toujours un peu plus en lui. Son grognement de plaisir me réveilla tout à fait mais je me sentais si bien dans cet endroit que je ne songeai point à en sortir, même si je fus un peu surpris de me trouver là. Sentant que j'étais réveillé, il laissa libre cours à son désir et changea de position. Il me mit sur le dos et s'assit, face à moi, sur mon gland qui ne tarda pas à disparaître. Puis, il posa ses lèvres chaudes sur les miennes et les titilla à petits coups de langue qui sentait bon le lait de coco. Alors, ne voulant pas bouder son plaisir, ni le mien, je repris son vit à pleine main et le masturbai au rythme de la sodomie. Mais il avait d'autres secrets en réserve et, par des mouvements de fesses qu'il fit, massa ma verge dans son anus en contractant les sphincters. Moi qui n'avais jamais subi un tel massage, je soupirai d'aise et accélérai le mouvement. J'explosai enfin, lui envoyant une grande giclée de sperme dans le fondement, cependant qu'il me pinçait doucement les tétons et jouissait sur mon ventre. Fourbus par cette séance, nous restâmes un long moment embrassés, goûtant avec bonheur la salive de l'autre, semblant ne plus pouvoir nous décoller, ni vouloir interrompre une si agréable étreinte. Nous finîmes pourtant par nous séparer et nous nous endormîmes dans les bras l'un de l'autre.

Au matin, en m'éveillant, je crus avoir rêvé ce qui s'était passé cette nuit-là. Mais il dormait la tête posée sur mon torse et la main droite tenant mon sexe. Je dus me rendre à l'évidence : j'étais devenu un sodomite ! Et quoique je fusse un amant très apprécié des dames - ma réputation de fornicateur allait bien au-delà du comté de Suffolk - je venais de découvrir d'autres aspects du plaisir qui m'étaient jusque-là étrangers mais que je m'avouai avoir beaucoup appréciés. A cette seule pensée, et au contact de la main de Vendredi, mon gland durcit rapidement et je caressai la tête et le dos de mon jeune amant, tout en l'embrassant dans le cou. A ce moment, il se réveilla et, se rendant compte de mon érection dans sa main, commença à me masturber. Puis, relevant la tête, il me fit profiter de la même caresse de ses cheveux longs que celle qu'il avait subie de la part de Moïra sur la plage. Je compris alors les grognements de plaisir qu'il avait poussés ce jour-là. La douceur de sa toison sur mes testicules et mon bout me fit un terrible effet. J'en avais presque mal de désir et me serais certainement masturbé avec frénésie, s'il n'avait pris les devants et englouti mon phallus dans sa bouche, jusqu'au fond de la gorge. Je n'en pouvais plus. Il me fit, avec la langue et les lèvres, le même massage qu'avec son anus. Je me saisis de son gland et le branlai en lui chatouillant les testicules. Ne pouvant retenir mon plaisir plus longtemps, je jouis dans sa bouche en grognant. Tout mon corps semblait entrer dans sa gorge. Il avala ma giclée de sperme goulûment comme s'il se fut agit de miel et éjacula à son tour, en longs jets, tout en continuant à aspirer mon jus jusqu'à la dernière goutte. Il me sembla que mon corps était vidé de l'intérieur. J'avais l'impression de flotter au-dessus du lit, tant je me sentais léger, aérien. Trempés de sueur, nous restâmes sans forces pendant un long moment, la respiration haletante, comme drogués de bonheur. Puis, il se releva en riant et courut plonger dans notre baignoire à ciel ouvert. Lorsque je le rejoignis, il riait toujours et m'aspergea d'eau par de grands battements de mains et de pieds. Je plongeai vers lui et nous nous mîmes à lutter dans l'eau, nous faisant couler à tour de rôle. Puis il ressortit prestement de l'eau et s'allongea sur l'herbe, les mains derrière la tête, toujours riant. Je m'allongeai à ses côtés et me mis à rire avec lui, tant son rire était communicatif. Mais des questions se bousculaient dans ma tête que je n'osais lui poser. Voyant que je réfléchissais, il me demanda :
- A quoi tu penses, Robine ?

J'avouai alors que j'étais un peu gêné des "choses" qui s'étaient passées entre nous cette nuit et ce matin-là. Il me répondit, en riant de plus belle :
- Pourquoi, puisque c'était bon ?

Cette réponse spontanée et naturelle me désarma, il avait peut-être raison. Mais je dus lui expliquer que, dans notre société anglaise puritaine, il n'était pas permis de faire tout ce qui était bon, et surtout pas entre hommes. Il redevint sérieux et me demanda, le regard inquiet :
- C'est que... tu n'as pas aimé ?
- Oh, si ! - répondis-je aussitôt, sans réfléchir - bien au contraire ! Jamais je n'ai si bien joui, mais je me sens un peu coupable, car ces choses-là sont des péchés.

Il éclata de rire :
- Vous êtes bêtes, vous les Anglais ! Si vous ne faites pas les choses bonnes parce que c'est péché, vous ne faites donc que les choses mauvaises ?

J'étais interloqué, sa logique était imparable et je me rangeai à son raisonnement. Après tout, nous étions seuls sur cette île et la justice du roi George ne pouvait m'atteindre en ce lieu. Et puis, sa beauté, ses caresses et son rire avaient balayés les derniers principes moraux qui pouvaient me rester de mon éducation.
- Eh bien, tant pis pour le péché ! Pensai-je en moi-même, et je l'embrassai tendrement.

patachon

pat-achon@wanadoo.fr

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