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7 et 8 Mai

Grosse queue
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Premier épisode | Épisode précédent

Étudiant appliqué | S12 | Affirmations

4 | Fontaine

Récit d'Arnaud

J’ai rarement autant bossé, en tous cas, jamais avec autant de joie et d’entrain. En cette période où toute la nature s’épanouit, Julien et moi nous entendons presqu’implicitement pour être efficaces, efficients et faire face. Une course contre le temps dans l’allégresse.

Pour dégager celui que nous consacrons à baiser.

D’un simple regard, nous savons lorsque s’ouvre un interstice à mettre au profit de la luxure, de la nécessité impérieuse de lâcher la bride à nos envies. Et, est-ce le printemps ou le diable qui m’entraîne au stupre ? mais dés que je m’arrête pour quelques secondes de désœuvrement, aussitôt, des images et des appétits de débauche m’envahissent ; j’entends des souffles courts, des frissons me parcourent, des tensions cambrent mon rein.

Et je ferme les yeux.

Car le secret m’est indispensable. Seule la pénombre, qui gomme tout, peut abriter ces rêves torrides d’adoration de la chair, leurs emballements, leurs soupirs ... et leurs vertiges qui me tournent la tête, en sa compagnie à lui, si libre et si respectueux. Alors je recherche l’effacement dans les recoins propices, dans l’écurie où j’ai semé les doses de gel.

Parce que, passé l’étourdissement des baisers, l’étouffement des brassées, l’ivresse des goûts et des odeurs, la vibration des cordes tendues que l’on lèche, que l’on suce, que l’on dévore ... j’aime qu’il me pénètre puis sentir sa grosse queue s’activer en moi … Je suis un enculé, chuttt !

Pourtant, qu’est-ce que j’aime ça.

Cet instant où son gland se pose sur mon anus, guidé par sa main ou tout autant la mienne, et que poussant, lui et moi en sens contraire, s’ouvre lentement mon conduit dilaté, écartelé, envahi au rythme de sa progression … C’est magique. Rien ne vaut ce long glissement en moi, qui m’emplit à suffoquer. Peu me chaut la position, seule compte cette sensation d’être gavé par sa robuste queue telle une âme qui m’arme et me redresse, un axe solidement planté sur lequel je vire pour m’orienter, une ancre qui me laisse courir mais me retient de trop dériver et de me perdre.

Un miracle ! Car, au fond de moi, je sais que je vis ces instants comme s’ils étaient dérobés, illicites ; de tels bonheurs sont trop puissants pour ne pas être regardés comme illégitimes et scandaleux sitôt qu’ils sont découverts.

Alors je persiste à les dissimuler et, surtout, à ne pas les nommer, d’ailleurs je ne peux toujours pas affronter ces mots encore trop crus. Il me semble qu’ils saliraient tout. Peut-être, le silence pourra-t-il les protéger de tout regard, de toute envie, de toute jalousie, de toute vengeance.

Mais lorsque je regarde Julien qui s’étire au soleil, relâchant ses muscles comme après un long et dur labeur, souriant d’un contentement d’homme repu, j’en viens à rêver que, peut-être, le ciel et son doigt vengeur n’ont que faire de nous, de nos soupirs, de nos ébats, que le malheur et son cortège pourraient bien passer au large et nous épargner.

Cependant en allant déjeuner, je reprends instinctivement ma posture de modeste ouvrier agricole salarié, « Julien » redevient « chef » et je marche dans son sillage, me rangeant sagement derrière ses initiatives de responsable. Sa sœur avait dressé la table pour trois mais nous avons tardé et son couvert est déjà débarrassé, elle vaque au nettoyage alors que nous prenons place. Nos mastications sont sobrement entrecoupées de réflexions partagées sur le travail à faire et, au-delà, sur celui qui nous attend.

A la fin du repas, elle retire ses gants de caoutchouc, s’approche, cafetière brandie.

- « Vous permettez les z’hommes ? ... »

Julien l’invite du geste en souriant et elle remplit nos trois mazagrans puis s’assoit à nos côtés. Reculant sur son dossier, elle nous envisage tour à tour et je vois Julien détourner les yeux et s’abîmer dans la contemplation de son café.

- « Ça va, les z’hommes ? Vous vous entendez bien ... »

Ce n’est pas une question !

Il y a de l’ironie et quelque chose de belliqueux dans ce ton qui me surprend venant d’elle. Sa main droite posée nonchalamment sur le plateau de la table tourne et retourne sa cuiller qui tinte désagréablement en culbutant. Julien relève les yeux vers moi sous ses sourcils. Des yeux sombres.

- « On continue de faire semblant, en tapotant le second oreiller chaque matin pour lui rendre son gonflement et, moi, je continue de ne pas m’étonner de trouver le double de serviettes dans la salle de bain ou bien on se dit les choses comme des adultes ? »

Elle a repoussé sa tasse fumante à laquelle elle n’a pas touché et s’est accoudée pour se rapprocher de nous, elle tourne la tête pour nous scruter tour à tour, m’écrasant de son regard. J’ai la gorge nouée et, pourtant, la salive afflue en abondance dans ma bouche, glacée, acide ...

Est-ce le cauchemar qui recommence ?

- « Depuis le temps, vous croyez que je n’ai pas intercepté vos regards de merlans frits, que je n’ai pas compris en t’écoutant, toi, fredonner tes vieux tubes ou en rangeant tes CD de Barbara ? Et toi, tu imagines que je ne sais pas que mon propre frère est gay ? Une telle marque de confiance m’interroge sur ma place dans cette maison. »

Elle a rebasculé son poids vers l’arrière et se rassemble pour se lever quand Julien tend son bras et pose sa main sur la sienne.

- « Assieds-toi, Sophie, s’il te plaît ! »

Il a planté ses yeux dans les miens et c’est ce seul regard chaleureux et assuré qui me retient de m’enfuir.

- « S’assumer n’est pas toujours aussi évident pour chacun qu’il l’a été pour moi. Si Arnaud est arrivé sur cette exploitation envoyé par les Compagnons, c’est après avoir été découvert et chassé de chez lui par sa propre famille, en abandonnant toute sa vie d’avant.

- « Excuse-moi Arnaud, je ne savais pas ! »

Son ton ne trompe pas : il a la sincérité grave de celui que prend l’infirmière inquiète devant la blessure potentiellement mortelle infligée à son patient. Elle a lancé son bras et délicatement posé sa main sur mon avant-bras.

Aussitôt, un sanglot étranglé, que je n’ai pas réussi à étouffer totalement, s’enfle en un gargouillis ridicule que j’interromps d’une profonde inspiration. Les gouttes qui s’écrasent sur mon bras me font alors réaliser que je pleure comme une fontaine, en silence, comme une eau trop longtemps retenue qui déborde et charrie un lourd limon. Julien n’a pas lâché mes yeux et Sophie est venue entourer mes épaules de son bras, farfouillant désespérément sa poche de son autre main. Elle brandit brusquement un mouchoir.

Comme une bouée de sauvetage.

Amical72

amical072@gmail.com

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