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Agriculteur | S18 Me retrouver

8 | Un soupir satisfait – Le récit de Julien.

Mon majeur plonge dans les soieries intimes d'Anthony. Sa main s'abat sur la mienne pour la maintenir et il referme sa ceinture abdominale pour s'ajuster, puis il est tout aussitôt emporté par un sursaut qui le tétanise.

Je le regarde se détendre lentement, rouvrir les yeux et me sourire, complice.

-" Désolé mais toi, tu viens de râter ton train !"

Il sursaute, soudain fébrile, la mine inquiète.

-" Mais il n'est pas encore dix-sept heures ..."

Mes bras l'enserrent, mes mains le maintiennent et je grommelle, rassurant.

-" Tatata, peu importe ! Car heureusement, en bon samaritain, je t'offre le gîte et le couvert, tu ne seras pas jeté à la rue."

Il sourit en guise d'assentiment, soudain en connivence ; il se serre contre moi, m'enlace et glisse à mon oreille.

-" Quand je t'ai vu avancer vers moi dans le wagon de ton pas décidé, je t'ai regardé par en dessous et, selon un jeu qui m'est habituel, je me suis demandé : tiens, comment baise-t-il celui-là ? Est-ce qu'il aime ça ? Sait-il se servir de sa queue? Et, s'il était ..."

Je l'éloigne à deux mains, assez pour considérer son visage, l'interroger.

-" Et s'il était ... ?"

Sourcils froncés, l'air suppliant d'un cocker, il esquive d'un haussement d'épaule lasse et poursuit, accablé.

-" A quelque chose, malheur est bon! Avoir raté mon train va nous donner le temps d'élucider tous ces mystères !"

Il y a soudain dans ses pupilles un crépitement qui scintille comme ces fusées d'artifice qui sèment l'obscurité des nuits d'été de myriades de paillettes ; il me met instantanément le feu dans les reins et l'irrésistible envie de l'encorner pour le voir se tortiller de plaisir, bégayer de nouveau, suffocant, éperdu, fiché sur mon rostre. Il sourit et je m'en régale d'avance.

Mon bras s'enroule en écharpe autour de sa taille et tente de l'entraîner à l'extérieur de la salle d'eau mais il résiste et s'empare de la serviette humide pour s'y enrouler avec un air contrit où je lis, plutôt qu'une pudeur inspirée par la morale, l'hésitation immature de celui qui n'assume pas encore ses particularités corporelles, les juge comme des disgraces au regard d'un idéal inaccessible élevé au rang de norme unique et exclusive par le business de la mode.

Je peux bien facilement essayer d'aplanir cet obstacle.

Sur l'étagère, je m'empare d'un peignoir plié, trop vaste pour lui mais qu'importe, dans lequel je le drape en désordre, mes mains l'ajustent en s'insinuant par toutes les ouvertures, prétexte à le toucher, le pétrir et nous ramener, sourire et clins d'oeil entendus en soutien, à ce qui était notre unique et commune préoccupation.

Cependant, quand mon bras s'allonge vers la patère pour décrocher mon propre peignoir d'éponge, sa main arrête mon geste.

-" Toi, tu es chez toi, tu peux rester à ton aise."

Puis sa main s'éparpille sur mon torse, s'emmêle dans mes toisons, dégringole et se raccroche à mon sceptre présentement en berne. Ses yeux bleus s'éclaicissent d'une candeur si parfaite que mon plexus se contracte et se soulève. Il hausse une épaule résignée.

-" Moi, je découvre les habitudes de la maison et je m'adapte."

Qu'est-ce qui me met le feu dans ce pseudo angélisme d'un blanc pur de fleur de lys ? Ou n'est-ce pas plutôt cette aisance fluide et naturelle qui enjambe, sans y voir à mal, tous les interdits qu'une culture de la frustration nous a implicitement inculqués ? Ce garçon m'invite à la sensualité tout simplement, comme s'il réclamait un verre d'eau, sans se soucier des convenances, simplement parce qu'il en a besoin, qu'il a soif. Spontanément.

Sans non plus d'effronterie ou, pire, un graveleux grossier qui force le trait pour parvenir à franchir un interdit et se vautrer dans une luxure malsaine qui confinerait à une déchéance morale aux yeux de secs rigoristes. NON!

Il parait en ambassadeur d'une jeunesse prometteuse parce que libre.

D'un élan, je l'ai emporté comme un colis jusqu'à la chambre. Sitôt dans cette pénombre, de l'extrémité de l'index, je crochète son menton dans la barbe et l'attire à moi. Il incline la tête, yeux mi-clos, lèvres entrouvertes sur un sourire qui scelle notre entente et invite aux réjouissances.

Mais quand mes lèvres se joignent aux siennes, c'est pour un dialogue bien différent des galoches d'affamés partagées jusqu'alors. Sa langue s'avance, impériale et assurée pour se nouer à la mienne, avec une science du matelotage que ne renieraient pas les anciens marins, maitres es noeuds, un sens de l'équilibre des saveurs digne du plus averti des maîtres queux.

Putain de jeune coq! Il sourit de mon étonnement d'être ainsi régalé qui doit transparaitre dans mon regard. Il revient aussitôt à la charge, déployant sa langue en bannière orgueilleuse pour que j'en joue, tout à mes aises puis, la faisant claquer et se tordre sous les sautes d'un vent primesautier, elle enrubanne la mienne et l'ensorcelle.

Je lui abandonne la conduite de ce baiser magique, en voile qui préfère céder que de tenter de résister au souffle d'un vent aussi impétueux ; mais mes mains de terrien, elles, remplissent leur office, elles saisissent, s'insinuent sous le tissu en éponge, inventorient, empoignent, pétrissent, malaxent comme des machoires, débusquent les moiteurs, rampent, écartent ; mes doigts farfouillent, pressent, ouvrent, percent, s'alanguissent.

Je l'écrase de ma masse, le presse de mon désir, l'accule de son urgence et il gémit, vaincu.

Ma bouche à son oreille lui murmure.

-" Demande -moi une chose."

Il souffle "baise-moi, vite!"

L'air a sifflé entre mes dents.

-" J'ai dit : UNE chose ! De plus, pas question de bacler. J'accède à ta demande mais quand, où et comment, c'est MON affaire."

Sans alléger le moins du monde la pression qui le maintient, ma main tatonne jusqu'à retrouver le flacon de lubrifiant sur le chevet, l'ongle de mon pouce fait sauter l'obturateur et le gel gicle. Mon index le cueille et ma main se referme sur lui pour partir en investigation.

Il s'y prête avec complaisance, se cambre et mon doigt parcourt sa raie qu'elle enduit grassement puis revient, tendu, pour l'éperonner.

Lentement.

Il geint et cette résonnance nasale est un chant de volupté.

Alors mon majeur succède à l'index et, d'une ultime impulsion, il le tétanise dans un cri pointu. Patiemment, je le laisse retrouver son souffle avant d'explorer sa caverne soyeuse, alternant de longues caresses et de petites touches piquées, attentif au rythme de sa respiration, lui ménageant des pauses où j'adopte un souple mouvement régulier qui le fait ronronner avant qu'un toucher fulgurant ne le fasse à nouveau s'étrangler, suffoqué.

C'est pendant un de ces répits qu'il se soustrait vivement à mes caresses. Il se retourne et se jette à quatre pattes sur le matelas, mais c'est pour me faire front, courageusement, ses yeux fièrement plongés dans les miens, comme un animal acculé se rebelle face au redoutable prédateur qui l'a forcé.

Puis, sans jamais cesser de revenir dans les miens comme pour me garder à distance respectable, ses yeux vont et viennent, furetent autour de lui. Il esquisse un sourire, tend le bras vers le chevet, ramène à lui un des étuis métallisés qu'il ouvre d'un coup de dents sec, sa poitrine se soulève alors moins vite et son regard s'attarde, maintenant enjôleur. Son bras repart et il s'empare du flacon de lubrifiant qui crachote ensuite dans sa paume et celle-ci vient, fraîche et onctueuse, épouser mon barreau brûlant qu'elle enduit en de souples glissements torses. Il se prosterne pour me capoter habilement puis se relève, son sourire s'ouvrant plus largement sur l'éclat de ses dents et ses yeux ... Ses yeux éclatant d'un bleu lumineux et joyeux qui me happent.

Il bascule, sur son dos arrondi, ses jambes écartées dansent et oscillent en l'air ; entre elles, ses bras tendus vers moi m'invitent, comme ses yeux, son sourire canaille ...

Trop facile !

Son pied se balance à portée, le bas de ses mollets est couvert par de courtes guêtres d'un fin poil très clair qui, vers le haut, soulignent ses muscles jumeaux quasi glabres et, vers le bas dessinent une fine arabesque contournant sa maléole et s'étirant en pointe sur son cou-de-pied. D'un geste rapide de chat, ma main attire ce pied osseux à ma bouche, mes lèvres le suçotent, ma langue le balaie ; soudain, mes dents le pincent et il sursaute, surpris.

C'est alors que je plonge sur lui, engageant mon torse dans ce triangle qu'il a ouvert pour moi. Mes mains en U glissent sous ses cuisses jusqu'à ses plis poplités qu'elles repoussent à ses épaules, les miennes relevant ses mollets. Mon élan le tasse, enroulé sur lui-même, j'étire mon cou pour écraser mes lèvres sur les siennes et les perforer d'une langue tendue comme un javelot mais c'est lui qui, du bout des doigts, guide et soutient ma queue raide pour qu'elle l'enfile.

A demi.

Ma langue se fait grasse et lourde pour s'emmêler à la sienne à mesure que je détends implacablement mon rein et c'est lentement que j'achève de pousser mon dard en lui.

Il a cédé, laché mes lèvres pour inspirer de sa bouche ouverte en O majuscule, les yeux clos, le menton relevé. Sans plus d'hésitation, je bascule tout mon poids dans mon bassin, le clouant sèchement de toute l'envergure de ma bite, écrasant la fourrure de mon pubis dans sa raie aplanie, éprouvant rudement l'élasticité de l'enroulement de ses reins, exprimant le peu d'air dont, dans sa position, il parvient encore à emplir ses poumons contraints. Il ouvre soudain des yeux en soucoupe, asphyxié, hagard.

Je relache lentement la pression, m'arrondissant à mon tour, souple et laxe. Nos deux langues reprennent un savoureux échange empreint d'une gourmandise qui ne veut oublier aucune papille tandis qu'une houle se lève dans le bas de mon dos.

Et lui roule et m'accompagne, se soulève et m'aspire comme le sable sec absorbe l'eau, ses yeux agrandis et pressants, nos souffles accordés, il s'ajuste et son divin conduit me gaine aussi exactement qu'une doublure de satin dans laquelle je coulisse somptueusement, de plus en plus empressé, vigoureux jusqu'à être déterminé, machoire bloquée.

Quand j'ai crié, il nous a renversés et, à califourchon sur moi, son cul refermé sur ma queue, il s'astique frénétiquement de la main gauche, la droite pressant ses couilles.

Soudain il se redresse, à genoux, son panache retombe sur moi, à chacun de ses spasmes secs. Il reste suspendu ainsi quelques secondes, puis il s'effondre sur le matelas à mes côtés dans un profond soupir satisfait.

Je me suis redressé sur un coude et me suis penché sur lui qui, allongé de profil, me tourne le dos. J'ai effleuré son flanc, tout du long, juste du bout de mes doigts. Mes yeux se sont relevés vers le chevet où luit l'affichage digital rouge.

-" Si tu veux rentrer, il est encore possible d'attraper ton dernier train."

Il s'est raidi.

-" Comme tu voudras, si, maintenant, tu préfères que je parte !"

Ma main s'est faite lourde sur sa taille pour le garder en place.

-" Tsss! J'ai dit : si TU veux rentrer car je ne retiens personne de force ..."

Ma phrase est restée suspendue et je me penche pour déposer un bisou léger sur l'angle de son épaule.

-" Mais si tu n'as pas peur du loup et si jamais il te plaît de rester, ..."

Ma main est revenue souligner ses courbes en rase mottes. Il a basculé sa tête, pour dégager son visage de l'oreiller mais sans se retourner. J'ai à nouveau embrassé délicatement son épaule.

-" ... on peut tout aussi bien poursuivre ce moment agréable."

Il a gigoté, pour adopter une position plus confortable, s'installer.

-" C'est marrant! T'es gentil, attentionné, même "après". Je devrais baiser plus souvent avec des mecs plus ... de ton âge, je veux dire. Je sais d'ailleurs pas si c'est l'âge ou la génération mais vous êtes ... comment dire ?

Plus libres, plus cools."

J'ai posé ma main bien à plat sur sa hanche et j'ai, moi aussi, corrigé ma position pour la rendre plus commode.

J'ai attendu.

Car je sais combien ce genre de rencontre, improbable, invite à la confidence ; elle offre l'oreille d'un interlocuteur à qui on peut se confier sans dommage : on a baisé ensemble, ce qui, le plus souvent, garantit sa discrétion, on ne connait de lui qu'un prénom, pas forcément le bon d'ailleurs et il y a de fortes chances qu'on ne le revoie jamais. Alors on se pense autorisé à se délester de quelques secrets.

Les secrets, c'est toujours trop lourd à porter.

Amical72

amical072@gmail.com

"J'ai de la barbe, t'as de la barbe, nous avons et vous avez de la barbe car un jeune homme qui sort sans sa barbe, c'est un repas sans vin, un soleil sans rayon-on, poil au menton-on" Cette chanson est interprêtée par "Les Quatre Barbus", un groupe vocal au style proche de celui des Frères Jacques, né dans la mouvance du Front Populaire. Il connut une grande noriété dans les cabarets parisiens d'après guerre puis également au disque jusqu'en 1969. Sur un air du Barbier de Séville de Rossini, Pierre Dac et Francis Blanche, deux auteurs dont mes grands-parents étaient friands, plaquent les paroles saugrenues de "Honneur aux barbus"

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